La petite famille en vadrouille pendant un an : Mahault et Eole, les yeux grand ouverts et curieux de tout... Chloé et Stéphane qui tentent de les guider et de suivre le rythme...







mercredi 23 mars 2011

Crossing Patagonia

J'ai toujours aimé les paysages de fin du monde, où qu'ils soient car ils semblent une réponse aux mystères de l'existence, une impression paradoxale de l'aube des temps.
Ici, au travers de la fenêtre, je me livre à la contemplation béate de l'immense plaine Patagone. Le bus peine sur la piste caillouteuse et secoué par les soubresauts, je ne me lasse pourtant de voir défiler les nuages au dessus de cette immensité désertique. Nous roulons à 30 kms/h environ et par moments, apparaissent comme autant d'objets saugrenus quelques habitations isolées, ou plus chanceux, des hameaux perdus au milieu de l'interminable plaine parée de bosquets jaunis par le soleil et par le vent qui souffle en violente rafales que rien ne vient arrêter.

Parfois, cette plaine ondule pour donner naissance à de petites collines, quelques rivières creusent des canyons gris et au loin, les derniers rejetons de la cordillière, auréolés de leur chappe neigeuse qui se dressent au travers des nuages. Fatiguées d'avoir transpercé les cieux sur tout un continent, les Andes se font moins hautes mais deviennent le royaume de la glace, l'Antartique n'est plus si loin.....
Soudain surgissent des troupeaux de vigognes et de nandus qui laissent derrière eux une trainée de poussière, mais hormis cette présence animale, rien ne vient troubler cet horizon dantesque.
J'aime et j'abhorre ces endroits où le temps n'est qu'un mirage, la réalité impalpable qui s'en dégage, un infini surrané et pourtant tangible.
Plus la journée avance et plus le ciel ne semble faire qu'un avec la terre mais toujours nous avançons vers cette peninsule qui marque la fin d'un monde........

J'arrêterai là ces digressions et en reviendrai au monde précédent, celui de mon dernier message qui nous voyait encore au sud du Pérou, si loin aujourd'hui que je n'en dirai presque rien. Nous avons pris plaisir à déambuler au fil du canyon de Colca, au milieu des champs multicolores survolés par les condors. La richesse agricole qui s'offre en spectacle et cette faille gigantesque et profonde, le sillon du créateur (lequel?...) qui abrite en son sein d'adorables villages perdus.
Passés un col à 4950 mètres pour y arriver, le tout (en voiture...) dans un brouillard opaque et des tourbillons neigeux qui s'abbatent sur l'Altiplano. Il est d'ailleurs étonnnant de rencontrer une telle similitude entre les paysages patagons bien plus au sud et ceux de l'altiplano.

Puis vint le Chili où la douane nous priva de nos tomates séchées achetées au brésil et de nos herbes aromatiques d'Argentine, si longtemps transportées, d'une frontière à l'autre et soudain arrachées à nos sacs par d'horribles douaniers sanguinaires qui me menacèrent d'une amende suite à mes récriminations.

D'Aréquipa à Arica où nous arrivâmes, c'est le désert de montagnes le plus aride que nous traversons, pourtant, la mer si proche et l'intérieur verdoyant du pays ne laissaient imaginer tant de désolation.

« Llegaron frescitos los berlines! Frescitos !» « Fres...Schpam (= bruit de vague) citos! » 
« Huevos duros » Schpam « Huevos....Schpam …. Duros » ( et oui, on manges des oeufs durs sur la plage au Chili) « Aceitunas » Schpam......

Les flots du Pacifique viennent couvrir les appels répétés des vendeurs ambulants. Allongés sur la plage, face aux collines poussiéreuses où planent les vautours, nous nous prélassons heureux de retrouver la chaleur et les tongs. L'eau est froide mais le sable brûlant.

Arica est aux portes de montagnes sablonneuses où rien ne pousse. De gigantesques dunes rocailleuses cachent pourtant de vertes vallées où s'épanouit l'olivier. Plus l'on s'enfonce et l'on monte. On aperçoit très tôt le vert qui supplante le jaune: celui des cactus puis des bosquets qui parsèment les montagnes plus élevées et au loin les cîmes aux neiges éternelles des volcans du parc de Lauca. Le retour sur l'altiplano et ses 4500 mètres à à peine 3 heures de la plage! Les troupeux de vigogne, lamas et autres camélidés réapparaissent aux pieds des sommets, tous entre 5 et 6000 mètres. C'est notre dernier contact avec de telles hauteurs.

Puis commencent les interminables voyages en bus. Arica-Valparaiso: 30 heures!
Une ville belle et dégueulasse aux parcs remplis d'ivrognes, de chiens et des incontournables rats volants, les pigeons qui donnent une touche aérienne à ce tableau fangeux.
Des auberges où la cuisine n'est accessible que pour faire chauffer des aliments et pas cuisiner. Un monde plus étrange et plus froid.
Heureusement la couleur et l'architecture de maisons d'un autre âge en font malgré tout un endroit à part où il est agréable de flâner.
Etrange coïncidence d'ailleurs: le voilier d'exploration lorientais Tara est à quai, à côté d'énormes navires rouillés. J'aurais aimé aller parler à l'équipage mais pas le droit d'entrer dans le port.
Valparaiso-Puerto Varas: 20 heures et une chambre miteuse heureusement rattrappée par une vue sur le lac et le splendide volcan Osorno où nous avons fait une mémorable ballade au milieu d'anciens champs de lave. Atmosphère là encore étrange, très allemande avec ses maisons en bois tout droit sorties pour certaines de Bavière, avec des tenancières dignes des sorcières de Grimm, très gentilles à offrir des bonbons aux enfants pour mieux les dévorer ensuite...des restaurants aux spécialités d'outre-rhin, de la bière coulant à flot...

Chiloé: quatre heures de bus seulement pour un retour précoce en Bretagne. Tout ici nous rappelle nos origines: le temps, les rades si nombreuses et ses chapelets d'îles aux ports brumeux. Les faciès durs de marins burinés par les vents du Pacifique, les petits troquets et restaurants aux nappes fleuries d'un autre âge. De joyeux soulards qui parlent avec un claquement de langue paillard: tlac!
Beaucoup de saumons et de bouillons de fruits de mer avant de repasser aux gargantuesques steaks d'Argentine.

Direction Bariloche et la région des lacs mais pour cause de bus raté, nous avons du séjourner un jour de plus au Chili à Osorno, ville sans intérêt.

Retour au pays des gauchos et de la parilla. De très beaux lacs et une atmosphère agréable. Nous avons fait une ballade à vélo, avec les sièges enfants et le panorama pour splendide qu'il était était un peu effacé par les interminables montées et descentes du parcours, pas une seule portion de plat.

Plus au sud: El Bolson. Tout le monde nous a dit grand bien de cette petite bourgade au creux d'une vallée cernée de montagnes. Nous sommes un peu surpris dès lors de ne trouver aucune auberge qui accepte de nous loger car nous avons des enfants. Cette ville de babas cool sur le retour ne semble guère apprécier la jeunesse malgré leur foire artisanale où l'on vend toute la même camelote sud américain de bracelets tressés, de dream catcher où de vêtements en laine digne des années 50. Quelques cinquantenaires jouent de la guitare pieds nus en attendant l'aumône des passants, on vend du fromage bio et des confitures mais ils ne veulent pas nous louer de chambres les sal.........ds!
Nous trouverons tout de même un appartement assez laid à l'image des vêtements en laine de la foire mais somme toute assez confortable.
Je suis allé gravir le sommet du Pilquititron qui la veille dressait fièrement ses arêtes saillantes au soleil. Le jour où je decidais de m'attaquer à cette ascension, c'est la froide grisaille qui m'attendait et la vue splendide récompensant l'âpre montée finale ne fut qu'une glaciale entrevue avec les nuages empêchant de voir à plus de 10 mètres. J'étais seul perdu au sommet à côtoyer ces masses cotonneuses qui bientôt aller pleurer de la neige et cet instant gelé fut malgré tout magique.

C'est depuis le bus qui nous mène à El Chalten, aux pieds du Fitz Roy que j'écris ces lignes, les dernières sans doute du voyage que je recopie en ce moment sur l'ordinateur. Les lacs aux eaux turquoises, les glaciers et les icebergs qui flottent au milieu des lacs nous attendent. Dernière étape patagone avant de remonter: El Cafalate et le gigantesque glacier Perito Moreno. Ce sera ensuite notre plus grand voyage en bus: 44 heures pour arriver à Rosario, ville de mes premières découvertes argentines. Et ce sera le retour depuis Buenos Aires, heureux de ces aventures tout comme de leur dénouement et heureux de rentrer. A bientôt...................

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