Je pourrais commencer ce récit de la même manière que le précédent en doublant le kilométrage car après trois jours de voyage, nous venons enfin de toucher au but: la Chapada de los Veadeiros. Ce voyage constitue à lui seul une épopée que nous ne sommes pas prêt d'oublier...
Revenons à notre première Chapada: celle des diamants. Nous avions décidé de descendre plus au Sud dans un autre village de cette contrée superbement austère. D'abord grâce à notre guide vieux de 8 ans nous avons fait 50 kilomètres de route (en plus des 100 pour rejoindre le sud de la Chapada, je précise car ce n'est pas comme si on se disait, tiens je vais aller de Vannes à Lorient par la voie express...) dont la moitié ressemblait à un champ de mines. Nous nous enfoncions au milieu de nulle part, cernés de champs vides avec quelques habitations çà et là, écrasés de chaleur, en se demandant comment on fait pour vivre en ces lieux lorsque nous débarquâmes enfin sur le fameux Poco encantado que nous voulions visiter. C'est une sorte de grotte, un énorme cratère qui s'enfonce dans la terre et dans lequel il y a une piscine naturelle, une eau cristalline où se baigner. Bizarrement, l'endroit était vide, pas un chat. Heureusement, surgi de nulle part, un bienveillant autochtone nous apprend que cela fait trois ans que le site est fermé!
Evidemment, nous prenons cela avec la plus grande philosophie et faisons demi-tour en direction d'un autre Poco, azul celui là. Même route défoncée qui nous mène à cette pancarte indiquant une longue trainée rougeatre qui plonge dans les terres: Poco azul 18kilomètres.....de piste............. Je crois qu'après le Brésil, je vais finir par trouver le dromadaire confortable... La piste est bien sûr jonchée de cratère en tous genres, d'énormes cailloux à éviter, de petits ruisseaux à traverser sur d'énormes rondins, un régal!
Nous arrivons enfin. Face à nous, une rivière! Je me prépare à hurler de désespoir, arracher mes cheveux lorsque j'aperçois un brésilien sur une moto qui monte sur une barque. Sa femme tire l'embarcation, pendant qu'il siège nonchalemment sur sa moto. On peut donc traverser à pied et cet homme est un beau matcho.
Nous traversons, je sens le sable sous mes pieds et prie silencieusement pour que ce ne soit pas comme en Guyane où les raies d'eau douces aiment se poser sur ces bancs de sable des rivières, heureusement, il n'en est rien. Et voilà ce fameux Poco. Un gardien nous fait d'abord payer l'entrée, pas donné avec ça puis nous descendons par un escalier bien raide vers la grotte. Un vrombissement continu se fait entendre et je commence à nourrir quelque appréhension lorsque je vois ces nuées d'abeilles qui virevoltent en tous sens et cette énorme ruche sauvage juste à 3 mètres au dessus de l'entrée. Le guide nous fait signe de nous taire ( je repense à l'oedème que m'a causé la piqure d'abeille cette année, une semaine avec le pied d'éléphant man...). Il s'arrête brusquement: un morceau de ruche trop chargé de miel vient de s'écraser au sol. J'ai envie de faire demi tour en courant mais nous avançons tout de même en silence et nous arrivons dans cette piscine incroyable dont la transparence est telle qu'on voit le fond, à plusieurs mètres de profondeur pourtant. Voilà une baignade bien méritée me dis-je en essayant de ne pas penser au retour et en chassant les images de la ruche se détachant du mur pour s'écraser sur mon crâne.
Etant là pour le raconter, cela ne s'est bien sûr pas passé et nous sommes repartis comme nous étions venus: par la piste!!!!!!!
Nous en avons tout de même trouvé une meilleure où j'ai pu passer la quatrième et avons rejoint l'asphalte pour rentrer vers le village où nous avions prévu de dormir. Peu de temps avant d'y arriver, une pancarte nous indique Igatu, joli petit village de garimpeiros à moitié en ruine. Allez, on y va! Pas de kilométrage évidemment! Cette fois, ce n'est pas de la piste mais de la route grossièrement pavée, c'est encore pire. Nous commençons à gravir la montagne au volant de notre Gol qui n'a pas fini d'en voir....Seconde maximum, route qui monte et qui monte encore, je commence à devenir vert de rage, j'ai l'impression que nous sommes comdamnés à rouler toute l'éternité sur les pires routes qui soient mais après 6 kilomètres, nous entrons dans ce splendide et reculé village d 'Igatu.
Comme dans beaucoup d'endroits isolés, le temps semble s'être arrêté. De jolies maisons aux facades peintes jouxtent des ruines, beaucoup d'enfants, la montagne toute proche qui affleure, des petits ruisseaux qui coulent çà et là. Quelle sérénité après toutes ces secousses de la journée.
Les rues pavées cèdent la place à la terre et les ruines enveloppent toute la ville dénotant de l'ancienne importance du village du temps des diamants. La première journée, nous avons flâné au fil des rues nous laissant guider par cette douce torpeur puis le deuxième jour, nous sommes partis à l'assaut de la montagne, à pied cette fois ci. Eole juché sur mes épaules et Mahault la championne sur ses gambettes d'acier, accompagnés de notre guide Chiqinhio, un brésilien de 55 ans édenté à la tête de bushmen namibien. La végétation qui semble uniforme de loin se révèle d'une formidable diversité, remplie de fleurs et d'orchidées qui malheureusement ne nous auront offert que de rares apparitions étant en fleur au mois d'avril. Nous montons petit à petit, croisons de vieilles ruines, vestiges des garimpeiros. Finalement après trois heures de montée, nous débouchons au sommet de la montagne pour embrasser du regard une vallée creusée par un torrent.: la rampa do Caim. Une gorge aux falaises abruptes qui se sépare pour donner naissance à deux vallées d'où affleure difficilement la roche recouverte d'une végétation omniprésente. Seul le rose minéral teinté d'ocre ressort de cet inexpugnable vert. Ces deux vallées mystérieuses sont telles les portes d'un royaume envoutant et nous les contemplons submergés par la verve soudain révélée de Chiquinhio qui nous raconte par le menu son passé de garimpeiro, ses dix enfants etc... Je tente de démeler le fil de cet écheveau avec le mot sur trois que j'arrive à comprendre puis abandonne hochant seulement la tête de temps en temps pour montrer mon attention.
Ce même chiquinhio qui s'y connait en enfant ne tarit pas d'éloges sur la Bichette qui a monté toute seule tout le trajet. Cet effort l'a cependant épuisée et elle redescendra en grande partie sur les épaules de notre guide.
Passé une nuit agitée entre Eole et Mahault qui se relaient pour vomir, on ne sait pourquoi. Jusqu'à deux heures du matin sur le pont à nettoyer les draps, les habits, les enfants, bref l'idéal avant d'attaquer la route le lendemain pour partir dans l'autre Chapada.
La route parlons en justement! Je m'étais dit que j'avais tout dit là dessus mais non, je crois que je suis obligé d'en remettre une couche tant elle diffère....Lorsque l'on est sur les BR, tout se passe bien, mis à part des dos d'ânes à chaque village, parfois non indiqué, la route est assez bonne même si de temps en temps, un petit ou un gros trou se met sur notre chemin. Du coup, notre première après midi de voiture s'est bien passée et nous avons fait escale pour la nuit dans une ville de moyenne importance près d'un fleuve Ibotarima ou quelque chose dans le genre.
Allées poussiéreuses qui mènent au fleuve où se trouve une poussada rose bonbon qui sera le siège de notre escale: la Poussada Bom Jardim . Derrière,une place avec un espace de jeu et devant une grande place vide...
Il fait une chaleur monstre dans la chambre malgré le ventilateur et nous sortons vite nous désaltérer le long du fleuve. Puis, nous dînons (un grand mot pour la simili pizza que nous avalons) sur la place qui commence à se remplir de plus en plus malgré ce dimanche soir. C'est là que nous assistons à un autre sport national que le football... le défilé de voitures bardées de speakers, autant de discothèques en puissance. Un moment, un énorme pick-up américain des années 60 vient se garer juste devant le restaurant: il est armé de deux murs d'enceinte qui crachent la même soupe et je pense avec effroi à la nuit qui nous attend juste à côté... Nous continuons à regarder médusés le balai continu des voitures hurlantes puis nous nous résignons à regagner notre chambre sauna. Petite surprise en arrivant, la chambre est infestée de scarabées, il y en a des dizaines et malgré nos coups de savates répétés, ces fourbes insectes arrivent à se réfugier derrière les plinthes du mur.
Ce fut donc une nuit des plus agréables cela va sans dire, entre la musique, la chaleur et ces satanés insectes qui malgré les menaces nous sont montés dessus. Nous avons fui dès que possible cet endroit ou même le petit déjeuner nous encourageait au départ.
Deuxième jour de voiture, le paysage encore assez beau cède la place à de mornes plaines à l'image du pays: immense. Mahault sans doute écoeurée par cette absence de relief en profite pour repeindre la voiture de vomi mais heureusement, nous trouvons juste après une station où nous pouvons laver enfant et voiture... Replaines et replaines, on dirait la Beauce sur des centaines de kilomètres. L'horizon étouffant se liquéfie comme un mirage et l'on aperçoit plus au loin que cette vague nappe liquide. Les panneaux indiquant les fazendas se succèdent sans que l'on ne voit autre chose que des champs. C'est impressionant et affreusement monotone pour le conducteur. Pied au plancher, les kilomètres défilent mais le paysage change à peine.
Puis soudain, au passage dans l'état du Goias, cela change du tout au tout. La plaine se transforme en vallée d'un profond vert, les arbres réapparaissent, les montagnes surgissent et on se sent revivre après presque 600 kilomètres. Nous ne cessons de nous extasier sur le paysage et l'on en vient presque à oublier que nous avons manqué la bifurcation pouremprunter la bonne route pour aller jusqu'au parc. Nous allons donc devoir passer par une route en blanc sur la carte pendant un bon moment et cela nous effraie quelque peu.
Nous sommes rassuré lorsque cette dernière se revèle être une splendide route qui serpente au milieu de superbes prairies bordées d'aussi splendides montagnes puis l'on arrive à un village. Après plusieurs confirmation, il faut emprunter la piste rouge qui s'engouffre au milieu de nulle part.... le tout sur 30 kilomètres. De toute façon, il n'y a pas le choix. Brinqueballés dans tous les sens, nous arrivons malgré tout après une heure dans un autre village où la vue de l'asphalte nous remplit d'un bonheur sans nom. C'est la pire piste que nous avons encore utilisée, parfois de grands bourbiers se trouvent au milieu de la route et c'est avec une certaine angoisse que je prends de l'élan pour passer, ne voyant pas comment nous pourrions nous en sortir si nous restons coincés. Sans doute en attendant un des rares pelé à cheval que nous avons croisé...
Enfin, nous repartons à toute berzingue sur la route goudronnée trop heureux de nous en sortir à si bon compte puis soudain, après un pont, la terre rouge réapparait et il faut encore parcourir une dizaine de kilomètres avant d'arriver de nouveau pour une maigre portion sur de l'asphalte et débouler juste avant la nuit, épuisés à Nova Roma. C'est un des villages les plus isolés où nous avons eu l'occasion de dormir jusqu'à présent. Heureusement malgré toutes ces difficultés, nous avons eu droit à de splendides points de vue, d'immenses prairies parcourues de zébus, toutes les nuances du vert, du plus clair au plus sombre qui recouvre les montagnes qui cernent la vallées, des baobabs, et oui, des dizaines de baobabs, on se croirait presque dans une savane africaine, prêt pour un safari. On s'attend à voir un lion et des girafes surgir de ce merveilleux panorama, mais en fait c'est le village de Nova Roma, nom ô combien pompeux pour cette bourgade endormie perdu au fin fond de nulle part.
Le seul hôtel que nous trouvons est sordide mais nous sommes trop épuisés pour nous plaindre et nous sortons vite avaler quelques churrascos avant de rentrer nous écrouler. Alors que nous arrivons devant l'entrée de ce qui ne devrait pas pouvoir s'appeler hôtel, je crois défaillir en voyant un groupe de jeunes brancher d'énormes speakers à la chaîne hi fi qu'ils ont installée deors, juste à côté de notre chambre. C'est vraiment le pompon!!!!!!!!!!!!!!!!!
Au secours!!!!!!!!!!!!!!!Pas ça!!!!!!!!!!!!!!
Tant pis pour l'intolérance mais je file voir notre tenancière et lui dit qu'il est hors de question de subir ceci. Du coup; nous n'aurons droit qu'à une demie heure de pollution sonore mais nous l'avons échappé belle.
Voilà, nous étions presque arrivés mais le plus dur était devant nous. Tout ce que nous avions fait avant n'a pas valu ces 70 kilomètres de piste (le Chao ici...) dont une partie en montagne avec des côtes à faire frémir, des bourbiers inévitables et presque personne en cas de pépin. Deux heures et demie avec l'angoisse de casser un essieu, de rester embourbé où je ne sais quoi d'autre. A peine ai-je prêté attention aux alentours pourtant magnifiques, trop tendu pour regarder autre chose que la route puis après ce long moment de solitude, la vision rêvée d'une bande d'asphalte!
Qui eut cru qu'un morceau de goudron nous ferait fantasmer à ce point.
Je dois donc changer mon premier jugement sur notre voiture: la Gol bien qu'étant un gouffre financier autant pour la location autant que pour la consommation s'a voyant nos 4 têtes angéliques que nous allions envoyer sa voiture dans toutes ces aventures) et qui peut atteindre des vitesses plus que raisonnable finalement. Quant aux routes Brésiliennes, c'est pire que ce que j'avais connu jusqu'alors, elles sont aussi déplaisantes que les habitants sont chaleureux et hospitaliers et aussi repoussantes que les tarifs pratiqués aux entrées de n'importe quelle merveille naturelle où l'on s'entend à merveille justement pour racketter le touriste.
Sur cette longue épopée autoroutière, je salue ceux qui auront eu le courage de lire ceci jusqu'au bout.....
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